La littérature et le vin

 

  

      « Qu’importe le flacon…» Buveurs raffinés ou pochards endiablés, de nombreux écrivains et certains de leurs personnages entretiennent avec le vin une relation particulière, qui n’est pas sans rapport avec ces très anciennes figures religieuses que sont l’ivresse et l’excès : à Delphes, la Pythie mâchait du laurier avant de rendre ses oracles. L’écrivain, dans un monde où le sacré s’estompe, rend grâces à l’alcool dont les vapeurs grisantes font naître des visions ; à l’alcool qui fait chuter les héros et donne à leurs aventures cette saveur unique, ce parfum de bonheur et de perdition.

 

La littérature et le vin

Sous le signe de Bacchus ? 
Évasions romantiques 
Les tourbillons de la fête 

 

 

      Sous le signe de Bacchus ?
 

La littérature et le vin

Sous le signe de Bacchus ? 
Évasions romantiques 
Les tourbillons de la fête 

 

« Le vin, Monsieur, c’est la France…» Interviewez n’importe quel pilier de comptoir français, et vous aurez droit à un petit laïus patriotique, qui vous fera comprendre que le bœuf bourguignon, les œuvres de Ronsard et la romanée-conti appartiennent à une seule, belle, et grande Culture – avec un C comme Chateaubriand, écrivain devenu sauce au vin. Avec un C, aussi, comme château-margaux champagne, chablis, et bien sûr côtes-du-rhône, du roussillon, de nuits et de beaune… Pourtant, les premiers souvenirs littéraires du vin sont anciens, et ils relèvent d’une autre aire culturelle…

          
         
©Ph. IGDA - G. Nimatallahz 

          Bacchus, tableau du Caravage peint vers 1594; Galerie des Offices, Florence.

L’Antiquité entre le sacré et le profane                                            

On pourrait citer Noé plantant la première vigne, Loth soûlé par ses filles désireuses de s’unir à lui, ou tout simplement Jésus communiant avec ses disciples autour d’un vin symbolisant son sang. La littérature profane, quant à elle, a de longue date joué de la gaieté du vin : on songe au festin de Trimalcion, dans le Satyricon de Pétrone, ou, au Moyen Âge, aux fabliaux français et au Décaméron de Boccace, qui mettent en scène force beuveries.

Ces deux traditions concurrentes s’effacent pourtant devant une troisième, qui, à la Renaissance, fait du vin un sujet littéraire à part entière. Cette dernière tradition, que l’on pourrait dire bachique, s’inspire de l’Antiquité grecque et romaine, qui associe l’ivresse à un délire sacré. Le vin a son dieu,
Dionysos ou Bacchus, émanation des forces vives de la nature, puissance désordonnée s’opposant à l’ordre incarné par Apollon. Nietzsche, dans La Naissance de la tragédie, a montré comment le théâtre grec était tout entier placé sous le signe de cette opposition, qui est aussi une vision de l’homme.

Une redécouverte


Les érudits de la Renaissance, en se libérant de l’anthropologie chrétienne, redécouvrent cette tradition oubliée. Le vin et l’ivresse, longtemps cantonnés dans les marges de la littérature populaire, reviennent hanter les textes et les réflexions. L’ivresse et la folie, diaboliques au Moyen Âge, sont revalorisées par
Érasme de Rotterdam, cependant qu’un Giordano Bruno, à la fin du XVIe siècle, développe une théorie de l’inspiration faisant la part belle à l’enthousiasme divin.

 

Ronsard, lui aussi, parle de   fureur poétique  , employant le terme dans son sens latin de folie. Diable ou bon Dieu, qu’importe ? C’est l’ivresse qui compte, cette ivresse qui soulève l’homme de génie. De l’ivresse spirituelle à l’ivresse réelle, il n’y a qu’un pas, que les poètes de la Pléiade franchissent allègrement : Ronsard, Du Bellay célèbrent ainsi les vertus de la bouteille, qu’ils associent à la gaieté française. Dans cette célébration du vin, c’est toute une culture qui s’invente, mêlant le plaisir et cette touche de folie sans laquelle il n’y a ni littérature, ni joie de vivre.

         
       
 ©Ph. IGDA 

         Gravure de Gustave Doré de 1854 illustrant le roman de Rabelais Gargantua (1534).

La dive bouteille    

Rabelais
est au carrefour de deux traditions : la littérature profane populaire, qui n’a jamais dédaigné le vin, et l’humanisme renaissant, qui redécouvre ses vertus. Gargantua se situerait plutôt du côté populaire, Pantagruel, le  Tiers, le Quart et le Cinquième livre tirent du côté érudit. Le vin voit ainsi son image partagée entre une grosse gaieté paillarde, celle du carnaval, et la promesse d’une révélation – ce qui, d’un point de vue chrétien, est scandaleux, car il ne saurait y avoir d’autre révélation que celle des Évangiles.

Pantagruel et ses amis partent ainsi à la recherche de la « dive bouteille », sorte de
Pythie placée sous le signe de Dionysos (et non d’Apollon), afin de connaître la sagesse. Au terme d’un immense voyage, ils recueillent enfin l’oracle tant attendu – mais la révélation se limite à cette onomatopée : « Trink » ! Invitation au plaisir, aveu aussi que nulle vérité ne gît plus en ce monde. Le retour du vin signe bien la fin du monde chrétien, de son ordre et de ses certitudes.

Il y a boire et boire


Nunc est bibendum
   : « et maintenant il faut boire ». La Renaissance en revient à 
Horace, à une sagesse antique, où le plaisir est le seul horizon d’un homme confronté à l’incertitude. Comment se distinguer, alors, des plaisirs vulgaires de la canaille ? La société française réinvente des hiérarchies, et à partir du XVIIe siècle, le boire et le manger font l’objet d’un raffinement croissant. La littérature en prend acte, stigmatisant sans relâche l’ivresse grossière des valets de comédie : Molière, Lesage montrent des rustres avinés, étant bien entendu que les hommes de qualité, eux, ne se soûlent pas…

 

La réalité, bien sûr, est fort différente, et un écrivain comme Crébillon fils fait figure d’exception en conservant en toute occasion son élégance. Ce n’est pas qu’il ne boive pas ; mais, comme le note au début du XIXe siècle Grimm, « ses amis lui ont souvent fait la guerre sur le grand air de science et de dignité qui ne le quittait pas, même dans leurs plus folles orgies ». C’est à cette époque qu’un moine imaginatif, dom Pérignon, invente une boisson nouvelle, qui va très vite faire fureur : le vin de champagne. Réservé aux élégants – et aux élégantes –, ne procurant qu’une ivresse légère, il incarne à merveille la boisson aristocratique. Il faut noter que jusqu’au XIXe siècle, on le boit très, très sucré – à peu près dix fois plus qu’aujourd’hui. Avec le champagne, le vin a définitivement trouvé sa dignité sociale et culturelle.

 

      

Évasions romantiques


La littérature et le vin

Sous le signe de Bacchus ? 
Évasions romantiques 
Les tourbillons de la fête 

 

Un moment tentée par la sobriété, avec Robespierre, la Révolution française ouvre sur une fête impériale grande consommatrice de champagne et autres fines. Mais dans l’ombre des héros altérés, une autre race de soiffards est en train de naître. Il n’est plus question ici de haut et de bas, d’aristocrates et de manants, mais d’hommes en marge, mal à l’aise dans un monde dont ils se rêvent exilés. La bourgeoisie s’est emparée du monde, et avec elle le grand rêve d’égalité a tourné en obsession de la normalité.

             

              ©Ph. IGDA - G. Dagli Orti 

               Détail d'une affiche de Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) pour l'adaptation théâtrale de L'Assommoir d'Émile Zola

 Une maladie sociale                                      

L’alcool, dans le monde bourgeois qui impose peu à peu ses valeurs au XIXe siècle, se voit progressivement chargé de faire la différence entre une normalité – bourgeoise, équilibrée, saine – et une anormalité, dont les premiers représentants vont bien sûr être ces « mauvais sujets » d’ouvriers, révolutionnaires potentiels et alcooliques officiels.

Le valet buveur, ce rustre sans danger, cède la place à l’ouvrier alcoolique : un roman comme L’Assommoir, de
Zola, choque le bourgeois par la peinture sans complaisance de l’alcoolisme de Gervaise ; mais dans le même temps, il abonde dans le sens d’une société associant ivresse, vice et pauvreté. L’alcoolisme ouvrier est vu comme une monstruosité inquiétante, mais aussi fascinante.

Vins frelatés et autres piquettes


Disciple renégat de Zola,
Joris-Karl Huysmans est parmi les naturalistes celui qui éprouve le plus de dégoût pour la réalité sordide qu’il décrit. À vau-l’eau (1882), son chef d’œuvre, décrit l’errance d’un vieux garçon d’une gargote à l’autre. Partout, le vin, quand il ne fleure pas la benzine, est « chargé de litharge et coupé d’eau de pompe »…

Litharge ? Un protoxyde de plomb utilisé au XIXe siècle dans la falsification du vin. La litharge saturait l’acide acétique des vins les plus vinaigrés, ce qui leur donnait une saveur sucrée, mais exposait le buveur à des effets secondaires parmi lesquels la paralysie ! On comprend l’aigreur de Huysmans qui décrit ainsi, l’adjectif vengeur et la plume acide, les « abjects apéritifs des cafés ; – les absinthes puant le cuivre ; les vermouths, la vidange des vins blancs aigris ; les madères ; le trois-six coupé de caramel et de mélasse…».

Enfer ou paradis


L’alcool, on le voit, est de plus en plus nettement associé à une déchéance, à une perdition. Son commerce fleurit pourtant, comme en atteste le célèbre classement des bordeaux de 1855, encore partiellement en vigueur aujourd’hui. Le roman dénonce l’
alcoolisme, tout en exploitant ses ressources pittoresques – secret, interdit, perte de contrôle, drôlerie, prise de risques, déchéance sociale d’un soir ou d’une vie… Les poètes, eux, sont plus ambigus, n’hésitant pas à prendre à leur compte ce que les romanciers délèguent à leurs personnages. Ils voient dans ce pittoresque une promesse d’aventure, une expérience susceptible de faire retrouver des couleurs à un monde normalisé, dépoétisé, triste, en somme.

 

Baudelaire est parmi les tout premiers à célébrer les vertus dépaysantes du vin, associé à des figures échappant aux contraintes de la vie bourgeoise : le vin des amants, le vin des chiffonniers ouvrent sur l’évasion, sur la différence. Le vin peut aussi ouvrir sur la laideur, sur l’enfer ; mais le poète fait de cette monstruosité, de cette expérience des limites, un moyen de s’évader « hors du monde », de quitter la morne platitude du monde bourgeois. Il rêve pirates et mers du sud… comme le romancier anglais Stevenson, qui cite cette chanson de marins : « Fifteen mates on the dead man’s chest, Yo-o-o and a bottle of rum ! Drink and the devil have done for the rest, Yo-o-o and a bottle of rum !  » (« 15 matelots assis sur un cadavre, yo-o-o et une bouteille de rhum ! Buvez, le diable s’occupe du reste, yo-o-o une bouteille de rhum ! »). Marins, chiffonniers, amants, poètes, tous sont des flibustiers du monde bourgeois. Le vin les rallie, comme il permet au poète – c’est là tout son espoir – de voir le monde autrement. L’alcool introduit la poésie.

              

              ©Ph. IGDA - G. Dagli Orti 

             Arthur Rimbaud par Fantin-Latour ; détail du tableau intitulé Un coin de table. Musée d'Orsay, Paris.

         

Portraits de l’artiste en alcoolique        

Ainsi se fait jour une nouvelle image du poète : Verlaine et son absinthe, Rimbaud ivre comme son bateau, ces deux figures phares de la modernité sont associées à un alcoolisme dont le vrai sens serait la recherche d’une désorientation. Rimbaud parle d’un « dérèglement de tous les sens » : l’expérience de la création et celle de l’ivresse se confondent, comme un voyage vers l’ailleurs.

Nul mieux que
Léon-Paul Fargue n’a su écrire ce voyage : « c’est la rencontre de l’enchantement majeur : l’artifice d’un multiplicateur mystérieux draine vers lui des forces insoupçonnées ; chaque verre conforte son invulnérabilité. Maître illusoire d’un passé qui lui échappe (…), il domine ici, devant quelques centimètres de comptoir, le présent et l’avenir. « Remplis-moi ça vieux !…» (Poisons).
L’ivrogne, cet homme de l’excès, est aussi celui qui échappe à toutes les contraintes de la réalité, qui rencontre l’enchantement : « son horizon s’élargit, la condition humaine perd de sa rigidité»… L’homme, en somme, glisse vers le poète. Et le poète redevient lui-même.

     Les tourbillons de la fête
 

 

La littérature et le vin

Sous le signe de Bacchus ? 
Évasions romantiques 
Les tourbillons de la fête 

 

Le vin et l’alcool cessent ainsi d’être de simples motifs romanesques pour participer de plus en plus étroitement à la pratique de l’écriture. Les romanciers prennent le relais des poètes pour célébrer les charmes troublants de l’alcool – le moins zélé n’étant pas Valéry Larbaud, qui ne peut se consacrer à la littérature que parce qu’il est le principal propriétaire des sources de Vichy…

        

         Ph. IGDA - J. Pierre 

         Le Lapin Agile, cabaret de la Butte Montmartre. À la fin du XIXe siècle, dans un Paris bouleversé par les travaux d'Haussmann, le village de Montmartre fut pour quelques décennies le refuge des artistes.

 

L’arc-en-ciel des cocktails
 

L’absinthe, c’était la fée verte. Des Esseintes, le héros de Huysmans dans À rebours, recherche les teintes rares des liqueurs exotiques… L’alcool moderne a les couleurs du rêve, de la fête, il va de pair avec une volonté de briser tous les tabous. Point n’est besoin pour cela d’attendre le piano à cocktails de Boris Vian, ce rêve des zazous de Saint-Germain-des-Prés. Michel Leiris évoque dans ses récits autobiographiques la vie dorée des années 1920 à Montmartre. La Belle Époque s’achevait avec les Alcools d’Apollinaire, publiés en 1913. L’« esprit nouveau » est placé sous le signe des drogues et des beuveries, propices à l’improvisation, censées libérer la créativité.

L’alcool est au
XXe siècle un des signes de cette modernité colorée venue d’Amérique, comme les enseignes lumineuses et les affiches publicitaires. En retour, les Américains viennent à Paris prendre ce fameux virage à 45° qui place les œuvres de Henry Miller et d’Ernest Hemingway sous un taux d’alcoolémie rarement atteint jusque-là. Paris est une fête… et la France un peuple d’alcooliques ! On picole sec chez Céline, chez Alphonse Boudard ( Un singe en hiver), et même les personnages plus éthérés de Marguerite Duras, dans Les Petits Chevaux de Tarquinia, ne cessent de siroter des Bitter Campari…

Les vertiges de l’ivresse


Cette valorisation esthétique de l’alcool va de pair avec une quête de l’ivresse, de la vitesse, d’un vertige en somme qui est au cœur de l’expérience moderne, et que la littérature va à la fois exprimer et tenter d’incarner.
Michaux, Joyce s’enfoncent au cœur de l’esprit humain, dans ces zones où tout tremble et où une vérité semble près d’apparaître. Il ne s’agit plus, comme au temps de Baudelaire, de sortir du monde bourgeois et de ses barrières morales, mais de faire l’expérience d’autres états de conscience, afin d’en savoir plus sur soi-même et sur l’homme. Faulkner, sans doute le plus grand explorateur de l’âme humaine avec Proust et Dostoïevski, est un poivrot impénitent, comme une proportion énorme des écrivains du XXe siècle.

Le regard d’un écrivain

Né en 1947, Olivier Rolin est l’auteur de romans publiés au éditions du Seuil, dont Port-Soudan (Prix Femina 1994). Il a fait l’événement cet automne avec son dernier livre, Tigre en papier. Côtoyant depuis plus de vingt ans nombre d’écrivains, il a bien voulu nous dire quelques mots sur les rapports entre l’alcool et l’écriture.

 Il y a un alcool-symptôme et un alcool-expérimentation. Si écrire est vraiment quelque chose qui a partie liée avec l’inquiétude, l’insatisfaction, il ne faut pas trop s’étonner qu’on trouve parmi les écrivains plus de buveurs de whisky que de buveurs de lait. Ça, c’est l’alcool-symptôme. Mais d’un autre côté, en effet, l’alcool (comme les drogues, etc.) donne jusqu’à un certain point (et pas très longtemps, malheureusement…) accès à ces régions où, comme dit Michaux dans un texte sur « L’Éther », on grelotte « dans le vide (ou le tout) ». « L’homme a un besoin méconnu », dit encore Michaux dans ce même texte : « Il a besoin de faiblesse ». Il a besoin de se dépouiller de sa fausse unité, de ne plus être maître, même de soi. D’où la fréquentation de ces confins où la lucidité la plus inattendue, la plus fulgurante, côtoie la bêtise, ces no man’s lands où l’on n’est plus soi mais où l’on est aussi, par éclairs, roi. Extrêmement roi, même. Le vide, le tout. Un « tourbillon intelligent », dit Baudelaire. Bon, je ne vais pas quand même pas vous expliquer l’effet de tout ça, il me semble que c’est assez connu (quant à ceux qui ne seraient pas au courant mais qui seraient intrigués, ils n’ont qu’à essayer). Je veux simplement ajouter que si l’on retranchait Joyce, Faulkner et Lowry, pochards fameux de l’histoire littéraire du XXe siècle, eh bien il ne resterait pas grand chose de la modernité. 

 

                                                                                                                                

     ©Ph. IGDA 

     Scène du film Au-dessous du volcan (1984), réalisé par John Huston d'après le roman de Malcolm Lowry. Partiellement autobiographique, cette œuvre relate la déchéance physique comme intellectuelle d’un consul britannique au Mexique.

 

Écrivains maudits, de Fante à Bukowski
Perdre conscience, afin d’en savoir plus : ne serait-ce pas le mot d’ordre de la littérature moderne ? Perdre ses repères, perdre conscience ; mais aussi se perdre, fonder la littérature sur une déchéance. Le poète maudit, cette figure inventée par Verlaine prend au XXe siècle la figure de l’alcoolique pitoyable, incapable de prendre pied dans le monde normal – celui des valeurs, du travail, de la stabilité– et prenant ainsi sur lui, d’une façon presque christique, la difficulté des autres hommes à vivre leur vie. Leur aspiration à, eux aussi, lâcher prise.

L’écrivain est précisément celui qui lâche prise, qui perd dans l’alcool sa dignité d’homme, pour la retrouver dans cette entreprise de rédemption qu’est l’écriture. De la même façon qu’un Chaplin s’exhibe en clochard, un John Fante (inoubliable auteur des Compagnons de la grappe), un
Charles Bukowski, un Malcolm Lowry ou un Bohumil Hrabal se transforment en débris, accueillant dans leur déchéance toutes les misères de l’humanité pour les convertir en une œuvre d’art. Dans un monde qui ne connaît plus le salut, mais où la littérature rêve toujours d’être ce salut, l’alcool offre une promesse de chute comme le diable n’aurait jamais pu en rêver. L’écrivain maudit ne croit pas aux démons, mais il croit à l’alcool. Le diable, celui qui vous laisse entrevoir le paradis et vous promet l’enfer, le diable, il le sait bien, est dans la bouteille.