Même si la majorité des vignerons embouteillent des vins stabilisés
en toute sécurité,
certains, pour répondre à des cahiers de charges
spécifiques, ou par choix délibéré,
prennent le risque d’une stabilisation
minimale.
Ces pratiques difficiles à gérer sont à l’origine de nombreuses
déviations.
Les vins limpides et brillants sont, pour tous les dégustateurs (connaisseur
ou simple consommateur),
plus faciles à apprécier. Un vin trouble est
souvent le signe d’un défaut de la conservation
(casse chimique, altération
microbienne…).
Un vin limpide à la mise en bouteilles peut être le siège de précipitations
diverses dans le temps,
faute de stabilisation convenable des différents éléments
qui le constituent.
Pour éviter ces désagréments, la mise en bouteilles doit être l’aboutissement
d’une préparation programmée
et raisonnée et non pas une décision de
dernière heure.
(profiter de conditions météorologiques défavorables
pour effectuer une mise par exemple…).
Cette préparation comporte plusieurs volets : une stabilisation physico
chimique obtenue par collage
et traitements chimiques ou physiques d’une
part, une stabilisation microbiologique obtenue
par tous procédés chimiques
ou physiques d’autre part.
Une analyse finale en laboratoire et une dégustation permettent d’apprécier
la qualité du produit ainsi
que sa stabilité future.
Dans tous les cas,
une bonne préparation des vins est le gage d’une bonne stabilisation
dans le temps.
Car si les vins tendent à se clarifier et à se stabiliser en cuve par
un repos prolongé, il faut savoir que les
précipitations et sédimentations
- phénomènes naturels et spontanés - sont lentes et bien souvent insuffisantes
pour assurer une stabilité durable en bouteille.
Cette stabilité est obtenue en traitant les vins avant la mise en bouteilles
par collage, traitement au froid,
traitement chimique.
Elle sera recherchée
pour les matières colorantes, les protéines, les précipitations tartriques
et les précipitations métalliques.
Stabilisation des matières colorantes
La couleur rouge des vins est principalement constituée par les anthocyanes
qui sont des molécules chargées positivement.
La stabilité de la couleur
est le résultat d’une combinaison complexe entre les molécules d’anthocyanes
et les tanins.
Comme toute réaction d’équilibre, celle-ci est modifiable
en fonction d’éléments externes (froid, aération).
Plusieurs procédés
permettent de stabiliser plus ou moins durablement les matières colorantes.
La stabilisation par le froid : L’excès de matière colorante
précipite par le froid. Le premier hiver suivant l’élaboration
du vin
est souvent suffisant sauf pour les vins très chargés en anthocyanes
tels que les vins de syrah.
La stabilisation par collage : Les diverses colles à base de
protéines (albumine d’oeuf, gélatine) se complexent
avec la matière
colorante et les tanins pour former des colloïdes qui floculent et précipitent.
Il faut faire attention
à ne pas coller trop violemment un vin car ces
colles agissent sur sa structure en éliminant plus ou moins de tanins.
La bentonite donne également de bons résultats par absorption directe
de la matière colorante sans passer par les tanins.
Cette stabilisation
est très efficace et se pratique surtout sur les vins jeunes ou très
riches en anthocyanes.
Attention, à forte dose, la bentonite diminue
la couleur d’une manière significative.
L’élevage des vins sur une période de deux années avec son alternance
de soutirages, de changements de température,
d’aérations régulières,
parfois de passages dans le bois, est également un facteur de stabilité des vins.
En dernier lieu, si l’on redoute toujours une instabilité au moment
de la mise en bouteilles, l’emploi de colloïdes protecteurs
telle
la gomme arabique qui permet le maintien total de la couleur est préconisé.
Stabilisation des protéines
Les protéines du vin proviennent essentiellement du raisin
et leur quantité varie en fonction du millésime.
Elles peuvent provoquer
un dépôt blanchâtre dans les bouteilles de vins blancs et rosés uniquement.
La présence de tanins dans les vins rouges élimine tous risques de précipitation
ultérieure en bouteille.
Concrètement, le facteur favorisant la précipitation
des protéines en bouteilles est la température ou,
plus exactement,
les variations brutales de températures (cas d’une palette sortant du
chai en plein été).
Le traitement à la bentonite de ces vins est parfaitement adapté. Elle
va agir par adsorption car elle est
chargée électronégativement alors
que les protéines sont électropositives.
Ce traitement peut intervenir
avant, pendant, ou après la fermentation alcoolique.
Les précipitations tartriques
Ce sont les sels de l’acide tartrique qui précipitent. Trois sels sont
identifiés dont principalement le bitartrate
de potassium, compte tenu
de la richesse naturelle en potassium du raisin. Les deux autres sels
sont le bitartrate
neutre de calcium et enfin le très rare mucate de
calcium issu de vendanges botrytisées. Lorsqu’un vin en cuve subit
le
froid d’au moins un hiver, les précipitations s’effectuent naturellement
et le vin est stable.
Si le délai de mise en bouteilles est plus court, on devra, dans la
plupart des cas, procéder à une stabilisation accélérée.
Un contrôle
préalable en laboratoire permettra d’en estimer la pertinence.
Deux techniques sont disponibles :
La plus utilisée actuellement s’effectue par la précipitation et la
séparation des cristaux formés après refroidissement
du vin car la solubilité
du bitartrate de potassium diminue régulièrement lorsqu’on abaisse notablement
la température du vin.
La présence de cristaux de bitartrate de potassium
(NHK) amorce très rapidement le phénomène de précipitation.
Ces germes
sont de plus en plus souvent ajoutés volontairement au vin en phase
de refroidissement.
La seconde, plus récente, fait appel à l’électrodialyse.
Ce procédé mis au point par l’Inra consiste à extraire certains ions
d’une solution par migration au travers de membranes
sélectives soumises
à un champ électrique. À l'inverse du procédé par le froid qui stabilise
le vin de manière incomplète de par
sa composition colloïdale, le procédé
par électrodialyse conduit à une stabilisation complète et définitive.
Enfin, l’acide métatartrique, qui est un inhibiteur de cristallisation,
peut être utilisé sur des vins à rotation rapide puisque son
efficacité
est limitée dans le temps.
Les précipitations métalliques
Les principaux métaux décelables dans les vins sont le fer et le cuivre.
Ces deux métaux peuvent être à l’origine de troubles suivis de casses.
Outre le fer endogène, l’enrichissement en fer peut provenir de la terre
au contact de la grappe ou du matériel de vinification et de conservation.
Au cours d’une oxygénation, le fer passe de l’état ferreux soluble à
l’état ferrique en précipitant les tanins dans les vins rouges
(casse
bleue) ou les phosphates dans les vins blancs (casse phosphatoferrique).
Les doses ne nécessitant pas de déferrage sont de 7 à 8 mg/l pour les
blancs et rosés et de 10 mg/l pour les vins rouges à condition
de stabiliser
ces vins par un apport d’acide citrique, qui complexe le fer et le cuivre.
Pour des doses plus importantes, il est nécessaire de traiter le vin.
Certains traitements diminuent la teneur en fer total (ferrocyanure
de potassium pour les blancs et rosés, phytate de calcium pour les rouges),
d’autres empêchent la formation de sels ferriques (acide ascorbique,
acide citrique).
Enfin, la gomme arabique s’oppose à la précipitation des colloïdes instables.
L’enrichissement des vins en fer ou en cuivre provient
généralement
du matériel de cave en bronze ou en cuivre.
La casse cuivrique est surtout possible sur vins blancs et rosés dans
des conditions de forte réduction. La lumière joue un rôle dans la
formation
du précipité en accélérant le phénomène de casse.
Dans tous les cas, la floculation des sels cuivreux se fait à l’aide
d’un support colloïdal protéique.
En deçà de 0,5 mg/l, il n’est pas nécessaire de traiter. Au-delà, il
est nécessaire de traiter le vin ou du moins de le protéger.
La dose légale est de 1 mg/l. Le ferrocyanure diminue la teneur en cuivre
alors qu’un traitement à la bentonite bloque la précipitation
par élimination
du support protéique nécessaire à la floculation des sels cuivreux.
La vraie solution pour éviter ces casses métalliques est d’éliminer
toutes les sources d’enrichissement exogènes pendant les phases de vinification
et d’élevage.